L’histoire rocambolesque du Chapeau de Panama

Les Espagnols

Tu peux imaginer, nous sommes en 1600, le conquistador espagnol arrive en terre équatorienne se croyant équipé pour la découverte de ce nouveau territoire. Alourdi par son armure en métal il transpire sous son casque, devant lui se tient un autochtone qui n’a que pour seul habit un chapeau en paille légère qui le protège du soleil incandescent des tropiques.

Fabricio Delgado, tel est son nom, découvre que ces toques sont fabriquées à partir de la Paille Mocora ou Carludovica Palmata, un palmier qui ne pousse qu’en Equateur sur la côte Pacifique. Il reconnait la finesse du chapeaux et la maîtrise de ceux qui le tissent. Il décide de commander des petites toques, toquilla en espagnol, et donne la première appellation au chapeau : Sombrero de paja toquilla. Ce nom est d’ailleurs toujours utilisé par les Équatoriens jusqu’à nos jours, mais les aventures du chapeau à travers le monde l’ont conduit à être connu comme Chapeau de Panama, voici son histoire.

Les Equatoriens

En 1809 les tout nouveaux citoyens équatoriens gagnent leur indépendance et ils ont envie d’entreprendre. Ils créent les premières industries de fabrication de chapeaux près de la côte Pacifique à Montecristi et aussi à Cuenca, une ville dans l’intérieur du pays. Vers 1835, trois mille chapeaux par an étaient produits à Cuenca ; plus tard vers 1925 la production désormais tournée toute entière vers l’exportation s’élevait à plus d’un million et demi de chapeaux. Seule la découverte du pétrole a pu détrôner le chapeau de Panama qui était jusqu’à alors le premier produit manufacturé de l’Equateur.

Le Panama

En 1904 c’est la construction du Canal de Panama, gigantesque projet porté par les Américains. Il fallait creuser l’Amérique Centrale pour faire un passage entre les deux océans et ainsi réduire de moitié le trajet des bateaux de marchandises et faciliter le commerce. Des ouvriers venant de toutes parts furent dépêchés sur le chantier. Le soleil écrasant des tropiques venait à bout de ces hommes et de ces femmes. Les médecins décident d’imposer le port du Chapeau de Paja Toquilla à tous les ouvriers. La production de Cuenca en Equateur n’a jamais été aussi prospère.

En 1906, le président américain Roosevelt se rend sur place, met le chapeau sur sa tête et se laisse photographier par le Times Magazine et là c’est l’engouement. La haute bourgeoisie l’adopte, il devient indispensable dans tous les films à Hollywood. Le chapeau est rebaptisé Panama Hat il n’est plus seulement un chapeau utile et pratique, il devient un accessoire de mode class et trendy. Mais était-ce vraiment à cette occasion-là ?

Les Français

Il semblerait que les Français aient connu le chapeau bien avant, lors de l’exposition universelle de 1855, un citoyen français y expose le chapeau et comme l’Equateur n’était pas sur la liste des pays participants, il l’expose sous le nom de Chapeau de Panama. L’empereur Napoléon III devient le meilleur ambassadeur du chapeau et répand la mode dans toute l’Europe au sein des cours royales et dans les cercles de pouvoir.

Picasso en France tenant un chapeau de Panama

Les Américains et les Turques

En 1898, les Etats-Unis rentrent en Guerre contre l’Espagne, les troupes des deux bords se font face sur les Caraïbes sous un soleil écrasant. L’armée américaine décide de protéger ses troupes avec des chapeaux de Panama et en commande cinquante mille. Plus tard, en 1925 à l’autre bout du monde, les lois de modernisation de la Turquie interdissent le port du fès traditionnel et ordonnent l’utilisation du chapeau de Panama à la place.

La fin de l’histoire

Chaque chapeau est unique, c’est le propre du fait main. Le tissage d’un seul chapeau peut prendre jusqu’à huit mois pour les plus fins. En 2012 l’Unesco déclare le tissage traditionnel du chapeau de paja toquilla équatorien, patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Le chapeau est reconnu officiellement comme un produit exceptionnel aux yeux de tous.

Porté par des militaires, des ouvriers, des citoyens turques, par la royauté européenne, les présidents et les stars de cinéma, le chapeau ne gagnera jamais plus en noblesse que porté sur ta tête, jamais le tissage minutieux des Equatoriens ne sera autant valorisé que lorsqu’il te protégera de la chaleur. Jamais tu ne sentiras aussi chic que coiffé d’un produit qui a traversé avec autant de classe les guerres, les conquêtes, les palais et les plateaux de cinéma.

Alors qu’attends-tu pour l’adopter ?